Eugène de Mirecourt (1812-1880)
Né à Mirecourt (Vosges) le 19 novembre 1812, Charles-Jean-Baptiste Jacquot, plus connu sous le nom de plume Eugène de Mirecourt, a suivi ses études au collège de Mirecourt, puis au collège épiscopal de Châtel-sur-Moselle. Après avoir étudié la philosophie au grand séminaire, il a commencé à douter de sa vocation religieuse et s'est tourné vers le monde des lettres. En 1832, il a quitté le séminaire pour se rendre à Paris. Ses débuts dans la capitale ont été difficiles : il a envoyé des articles à divers journaux sans succès et a dû accepter un poste de précepteur à Cherbourg l'année suivante.
De retour à Paris, il a trouvé un emploi au Ministère de la Justice, mais il a rapidement éprouvé une aversion pour la bureaucratie. Il a écrit des articles pour des journaux de théâtre sans être rémunéré. Pour l'éloigner de la littérature, ses parents lui ont acheté un pensionnat à Chartres, mais il s'est marié en 1838 et la littérature a finalement triomphé. Il a vendu son pensionnat, est revenu à Paris, et sous le pseudonyme d'Eugène de Mirecourt, il a publié son premier roman, "Sortir d’un rêve", ainsi que des nouvelles et, en collaboration avec Leupol, un journal-recueil intitulé "La Lorraine".
Dans les bureaux de rédaction, Mirecourt a souvent été en conflit avec le "trust Dumas". Il a publié un libelle intitulé "Fabrique de romans, Maison Dumas et Cie", qui lui a valu une provocation en duel et quinze jours de prison à Sainte-Pélagie, mais aussi un début de célébrité. Il s'est ensuite lancé dans le genre historique avec "Les Confessions de Marion Delorme" et a écrit des drames comme "Mme de Tencin", joué au Théâtre-Français en 1846, ainsi que des œuvres romanesques riches en péripéties.
La célébrité est venue avec "Les Contemporains", des plaquettes biographiques qui ont connu de nombreuses rééditions, mais qui lui ont également valu des poursuites et des condamnations en raison de leur mélange de faits exacts et d'approximations. Les révélations et anecdotes, parfois imaginaires, qu'il y incluait n'étaient pas toujours appréciées par les célébrités concernées, comme Émile de Girardin et Louis Veuillot.
En 1857, il a fondé un hebdomadaire intitulé "Les Contemporains". Lorsqu'il a critiqué le banquier Mirés, il a trouvé un adversaire redoutable. Il a été condamné à la prison, à une amende et à des dommages et intérêts. "Les Contemporains" n'ont pas survécu à cette affaire. Mirecourt s'est réfugié en Russie, mais deux ans plus tard, le banquier a été incarcéré à son tour. De retour à Paris, Mirecourt a été en quelque sorte réhabilité.
Pendant ce temps, des pamphlets ont été publiés en Allemagne sous son nom, intitulés "Les Femmes galantes des Napoléons". Dans son autobiographie, Mirecourt a nié en être l'auteur. Changeant d'orientation, il est revenu au christianisme militant de sa jeunesse et a publié, toujours dans un style polémique, "La Queue de Voltaire" contre les adversaires de l'Église. Il a fait retraite à Nancy chez les Dominicains, puis en 1870, il a combattu dans les rangs de la Compagnie vosgienne et a participé au siège de Neuf-Brisach.
Sa femme est décédée pendant la Commune. Mirecourt a liquidé son commerce d'édition et a rompu ses liens avec Paris. On l'a retrouvé à Saumur, puis à Nantes, où il a milité dans la presse légitimiste, mais il a été rapidement dénoncé par ses adversaires bonapartistes, notamment Ernest Merson de l’Union bretonne, contre qui il a intenté un procès.
Vieillissant et accablé par son passé, Mirecourt a perdu sa femme et son fils, officier d'infanterie, en 1866. L'une de ses filles est entrée au couvent, tandis que l'autre, devenue actrice, est morte jeune. Fatigué des combats et plein d'amertume, il est entré en 1875 à Ploërmel dans la congrégation des Frères de l'Instruction Chrétienne. Certains biographes le disent mort à Ploërmel, d'autres à Haïti. Une confusion est née de l'épithète "dominicain", habitant de Saint-Domingue, confondu avec "dominicain", religieux de l'ordre de Saint Dominique. En réalité, il a probablement été ordonné prêtre en 1876 et envoyé par sa congrégation en mission à Haïti, où il serait mort en février 1880.